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Les Zefaquiens
11 février 2013

Mon père est mort hier, par Caroline

Mon père est mort hier.  Je ne vais pas à l'école aujourd'hui.  Je reste dans mon lit.  Je ne veux pas me lever.  Les oiseaux chantent, et je ne veux pas les écouter.  Je veux qu'ils partent.  S'ils ne partent pas, je les tuerai.  Ce n'est peut-être pas juste, mais la vie n'est pas juste. Pas tout le monde peut vivre.

        Ma mère monte, les yeux rouges.  Elle rentre dans mon lit en essayant de rester calme.  Elle me lance un regard triste.  Elle pleure tout le temps depuis hier.  Moi, je suis plutôt fâchée.  Je la regarde droit dans les yeux et je la prends dans mes bras.  Quelqu'un a besoin d'être fort dans des cas comme celui-ci. Je ne peux pas rester dans mon lit à pleurer tout ce temps.  C'est décidé, demain, je retourne à l'école.

        Je vais à ma première classe, Science. Personne ne sait que mon père est mort, et je ne vais pas leur dire. Je ne veux pas entendre tous les "Je suis vraiment désolé!" ou "JULIEN! J'ai entendu ce qui s'est passé! Ça va?!". Je ne veux pas qu'on me traite différemment.

        Je vais à mon pupitre et me comporte comme si rien ne s'était passé. Mais cela n’est pas vrai. Je m’appelle Julien. Mon père est mort il y a deux jours dans un accident de voiture. Ma mère n’est plus stable. On ne s’y attendait pas.
Mon pote me sourit et me dit, “Hé! T’étais où hier?” Je le regarde et me force à sourire.
“J’étais malade.” C’est tout. Il retourne à son travail.

        En science on ne fait rien de spécial, on suit le manuel. J'essaye de me distraire mais je ne suis pas passionné par les sciences. Quand la cloche sonne je rejoins mes amis qui rangent leurs livres. Mon meilleur ami, m'observe.
"Quoi?" je lui demande.
"Rien, tu as l'air différent, ça va?" me demande Maxime.
"Ouais..." puis je tourne la tête et me dirige vers ma prochaine classe. Il court après moi en m'appelant.
"HÉ! JULIEN ATTENDS!" Je me retourne pour le regarder droit dans les yeux.
"Tu veux venir chez moi ce soir voir le match de foot?" Il  arbore un grand sourire et mes lèvres commencent à former le mot "oui" mais je me souviens que ma mère est chez nous, toute seule. Elle a besoin de moi, et moi j'ai besoin d'elle.
"Désolé j'peux pas." Il me regarde d'un air suspicieux. Je ne rate jamais les matches de foot. Je les regarde toujours avec Maxime. Avant qu'il puisse me questionner, je me retourne et continue vers ma classe.

     Le soir, ma mère m'attend. Elle est assise dans la cuisine, ses mains autour d'une tasse de thé. Elle est toujours en pyjama mais au moins elle s'est levée. Elle fixe ses yeux sur le thé. Je marche jusqu'à la cuisine et je m'assieds à côté d'elle. On garde le silence quelques minutes. Je ne sais pas quoi lui dire. Je me lève et elle sort de son regard et me suit des yeux. "Julien... ne pars pas," me demande-t-elle d'une voix presque silencieuse. Elle ne veut pas que je la laisse toute seule. Je m'assieds  à ses côtés et pose ma tête sur son épaule.

     Le lendemain, les gens dans les longs couloirs m'observent. Ils me regardent de la tête aux pieds mais n'osent pas me parler. J'ai peur qu'ils aient appris la nouvelle, mais cela est impossible. Je ne l'ai dit à personne. Mes doigts se resserrent  en poing. Maxime est le seul à vouloir me parler.
"Ça va?" me dit-il perplexe, comme s'il regrettait d'avoir posé la question.
"Ouais... pourquoi?" Je lui réponds d'une voix forte, un peu trop forte.

    J'essaye de me calmer. Je respire lentement. Tout le monde me regarde. Tout va bien. Je suis okay.

    Mais cela n'est pas vrai.
Je m’appelle Julien. Mon père est mort voici quatre jours d'un accident de voiture. Ma mère et moi, on ne se parle presque plus. On ne sait pas quoi se dire. On ne s’y attendait pas.

    Maxime me ramène à la réalité. Il chuchote "Je sais... Julien, je sais..."
Je le regarde les yeux écarquillés - "De quoi tu parles?" Ma vision commence à se troubler. Ma joue devient de plus en plus mouillée.
"Tu ne sais pas ce qui se passe! Personne ne sait."
Il m'amène dehors et me dit que son père a appelé ma mère. Il a appelé plusieurs fois, mais, personne n'a répondu. Comme il devait aller au salon de l'auto avec mon père, et que personne ne répondait au téléphone, il est monté chez nous et ma mère lui a ouvert, les yeux rouges. Elle lui a tout expliqué et le père de Maxime a appelé l'école.

    Maxime me donne un câlin et me dit "Il y a des fleurs partout pour celui qui veut les voir. Ça viendra, il faut juste bien ouvrir les yeux."


Un an et demie plus tard, je réalise que Maxime avait raison. Je peux être heureux. Finalement, je vois les belles fleurs.

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